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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Théâtre



Par Charif Majdalani
2018 - 11
Au sein du monde du théâtre, Stanislas Nordey occupe une place singulière. Fils de la comédienne Véronique Nordey et du cinéaste Jean-Pierre Mocky, il commence très tôt une vie dédiée à l’art dramatique. Encouragé par sa mère à devenir comédien, il créé avec elle une compagnie, dès l’âge de 22 ans. Artiste associé au Théâtre des Amandiers, codirecteur du Centre dramatique national de Saint-Denis, il est directeur du Théâtre national de Strasbourg. Acteur, il est depuis ses débuts l’auteur de mises en scène de référence dans l’histoire du théâtre contemporain français, mais également dans celle de l’opéra.

L’un des partis-pris esthétique aussi bien que politique de Stanislas Nordey consiste à demeurer au plus près du réel, à privilégier les textes des dramaturges contemporains et à mettre ces derniers à la portée des spectateurs, dans une rupture volontaire et affichée avec le répertoire classique. La prédilection de Nordey va le plus souvent aux œuvres minimalistes, ou «?trouées?», comme il le revendique souvent, dans lesquelles les non-dits ou les silences sont porteurs de plus de sens encore que ce qui est proféré et permettent une plus grande résonance scénique. C’est ainsi que Nordey a mis en scène Jean-Luc Lagarce, Fausto Paravidino, Falk Richter ou Christophe Pellet, sans compter Pier Paolo Pasolini dont la modernité n’est jamais complètement épuisée. Ce qui n’empêche pas le réalisateur d’affronter d’autres sortes de pièces, plus touffues, telle Incendies de Wajdi Mouawad, pour laquelle il a adopté des stratagèmes de mise en scène quasi brechtiens. 

Le désir de rupture affiché par Stanislas Nordey avec le répertoire classique est motivé par une vision singulière du rôle des différents «?pôles?» de l’art dramatique. Là où certains, tout le long de l’histoire du théâtre, ont voulu donner la prééminence absolue au metteur en scène ou aux acteurs, Nordey insiste sur la nécessité d’être essentiellement au service du travail de l’auteur, faisant montre d’une forte réticence devant la projection sur les textes des préoccupations esthétiques ou politiques des metteurs en scène. Nordey va jusqu’à réclamer parfois l’effacement de ces derniers derrière la voix des auteurs, de manière radicalement inverse par exemple à la soumission, prônée par Antonin Artaud, de l’auteur et du comédien au metteur en scène. Chez Nordey, c’est une écoute attentive du texte qui est à chaque fois offerte au spectateur à travers des réalisations sobres mais d’autant plus puissantes qu’elles laissent la parole devenir corps et scène. Mais cette prédilection militante pour les contemporains n’empêche pas Stanislas Nordey de faire entendre, à travers la voix des modernes, celle des anciens qui y parlent simultanément, notamment les auteurs antiques auxquels des créateurs qu’il aime passionnément, comme Mouawad ou Pasolini, font écho. Parce que finalement, tous les grands textes de toutes les époques sont politiques et nous concernent toujours immédiatement, comme le théâtre lui-même en son essence, ce que Nordey montre parfaitement dans son travail.



Stanislas Nordey au Salon?:
Lecture d'extraits de Qui a tué mon père d’Édouard Louis, le 4 novembre à 16h15 (Espace Géode)/ Débat «?La dramaturgie contemporaine?» avec Roger Assaf, le 4 novembre à 17h (Espace Géode).
 
 
© Claude Truong Ngoc
Demeurer au plus près du réel, privilégier les textes des dramaturges contemporains et les mettre à la portée des spectateurs.
 
2020-04 / NUMÉRO 166