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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Récompensé par le prix Renaudot et par le prix Goncourt des lycéens, Charlotte, le dernier roman de David Foenkinos, a le vent en poupe. Et l’adaptation cinématographique du livre Les Souvenirs vient de sortir en salles.

Par Jean-Claude Perrier
2015 - 01
À tout juste quarante ans, David Foenkinos, écrivain populaire dont certains romans avaient déjà été des best-sellers (La délicatesse, paru en 2009, adapté pour le cinéma en 2011, en collaboration avec son frère Stéphane), qui avait obtenu quelques prix littéraires chics mais pas forcément vendeurs (prix Roger Nimier en 2004, prix Jean Giono en 2007), a été récompensé cette année par le prestigieux prix Renaudot, accompagné du prix Goncourt des lycéens, et son roman, Charlotte, s’est classé en tête de toutes les listes des meilleures ventes en France. Un succès pas forcément évident, pour un livre formellement novateur, et sur un sujet difficile?: l’héroïne en est Charlotte Salomon, une artiste peintre juive allemande, dans la tradition expressionniste, arrêtée en France et déportée à Auschwitz où elle est morte, en 1943. Enceinte, à l’âge de 26 ans. Pour L’Orient Littéraire, Foenkinos, qui a déjà visité le Liban à trois reprises dans le cadre du Salon du livre francophone, revient sur son parcours et son travail.

Comment réagissez-vous au succès considérable de Charlotte??

On en est à un tirage de 378?000 (chiffres à la mi-décembre 2014) exemplaires?! Je n’aurais jamais pensé que mon projet, faire découvrir la vie et l’œuvre de cette artiste, rencontrerait une telle adhésion. Ce qui a été déterminant, c’est le soutien des libraires, dès avant l’été, qui a, en quelque sorte, «?légitimé?» mon entreprise. Ensuite, il y a eu la presse, les lecteurs, et tous ces prix?: Renaudot, Goncourt des Lycéens, sans oublier la liste Goncourt, choix des lycéens polonais et italiens.

Comment est né ce projet?? Écrire un roman sous forme de long poème épique n’était sans doute pas évident…

Cela remonte à huit ou neuf ans, quand j’ai découvert les tableaux de Charlotte Salomon. J’avais décidé de lui consacrer un livre, sans savoir du tout ce que j’allais écrire, ni sous quelle forme. L’envie ne m’avait jamais quitté, mais j’ai abandonné le chantier une dizaine de fois. Trop difficile. Je ne voulais pas écrire une biographie romancée, il fallait que je sois présent dans ce livre. Tout s’est décanté lorsque j’ai eu l’idée de ces pages avec 73 signes par ligne, ce qui donne au texte un rythme et une respiration particuliers. Cette contrainte, finalement, m’a libéré.

Vous n’en avez donc pas fini avec Charlotte.

Loin de là. Actuellement, je fais la promotion du livre en France. Ensuite, il y aura une exposition d’œuvres de Charlotte Salomon dans le Midi. Et puis, à l’automne 2015, une édition du livre, illustrée de photos et de tableaux, est prévue chez Gallimard. Après, il y aura les traductions?: une quinzaine de langues sont déjà signées, sauf l’anglais?! Ce qui n’est pas le cas de mes autres livres, à l’exception de La délicatesse qui est traduit dans une quarantaine de langues, grâce au film. Ce qui ne veut pas dire que le livre a été un best-seller partout. Aux États-Unis, par exemple, ça n’a pas marché.

Tout quitter, alors, pour se consacrer à l’écriture, à l’âge de 27 ans, c’était un sacré pari…

Plutôt une nécessité, celle de l’écriture. Jusqu’en juin 2001, j’étais attaché de presse au Dilettante. Mais je n’étais vraiment pas fait pour ce métier. Quand j’ai démissionné, je n’avais aucune situation, j’étais prêt à redevenir serveur dans un restaurant, ou à donner des cours de guitare. Le manuscrit d’Inversion de l’idiotie était déjà achevé. J’avais écrit auparavant cinq ou six romans, et les avais gardés pour moi?! Le suivant, je l’ai envoyé par la poste à différents éditeurs, et il a été refusé partout. Et puis, à la mi-juillet, j’ai reçu la lettre de Gallimard, qui l’acceptait. J’ai fait rechercher le rapport de lecture que Jean-Marie Laclavetine, qui est toujours mon éditeur, celui qui m’accompagne tout au long d’un projet, qui me donne l’énergie de continuer, lui avait consacré?: «?C’est foutraque, c’est bordélique, mais ça vaut la peine d’essayer?»… La suite est connue. Tout ça me paraît aujourd’hui un peu lointain, et, sans les renier, je ne me reconnais plus vraiment dans mes premiers livres. C’est à partir de Nos séparations, mon septième livre (Gallimard, 2008), que j’ai commencé à écrire ce que j’avais vraiment en moi. Quant à Charlotte, c’est le livre que j’ai toujours espéré écrire.

Le cinéma, c’est une passion??

Oui, même si ce n’est pas mon métier de base. Avec mon frère Stéphane, nous avons adapté La délicatesse. Sort aussi, en ce mois de janvier 2015, l’adaptation des Souvenirs (Gallimard, 2011), avec Michel Blanc, Chantal Lauby et Annie Cordy, qui est absolument géniale, dans une mise en scène de Jean-Paul Rouve. Ensuite, j’ai envie d’écrire, avec Stéphane, un scénario original. On verra.
 
De temps à autre, vous délaissez le roman, pour des livres atypiques??

Cela m’est arrivé plusieurs fois, en effet. J’ai écrit quelques livres pour la jeunesse. Et puis deux livres, commandes d’éditeurs pour des collections particulières?: un «?Fait divers?», Les cœurs autonomes, sur la cavale meurtrière de deux jeunes gens, Florence Rey et Aubry Maupin (Grasset, 2006), et un Lennon (Plon, 2010), où je me mettais dans la peau, dans la tête du personnage. Dans une certaine mesure, je me rends compte que ces deux livres m’ont mené à Charlotte.

Votre nom, Foenkinos, est d’origine grecque. Êtes-vous attaché à ces racines méditerranéennes??

Sans plus. Nous sommes grecs du côté paternel, d’Afrique du nord du côté maternel. Mais mes parents n’en parlent jamais. Je me suis créé ma propre mythologie.

Il paraît que vous êtes venu tardivement à la lecture??

C’est vrai?! Chez moi, il n’y avait pas de livres. Je me suis mis à lire à l’âge de seize ans. Alors, quand je rencontre des lycéens, je les déculpabilise. Et j’essaie de leur donner envie de lire. C’est une mission magnifique?!




 
 
D.R.
« Chez moi, il n’y avait pas de livres. Je me suis mis à lire à l’âge de seize ans. Alors, quand je rencontre des lycéens, j’essaie de leur donner envie de lire. C’est une mission magnifique. »
 
BIBLIOGRAPHIE
Charlotte de David Foenkinos, Gallimard, 2014, 224 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166