Editorial
Perses et police
Par Alexandre Najjar
2008 - 04
Alors que les Libanais s’interrogeaient sur leur devenir, mais aussi sur celui des chrétiens d’Irak, condamnés à l’exode dans l’indifférence générale, un scandale est venu «?pimenter?» la vie culturelle libanaise. Après l’interdiction absurde de Da Vinci code, qui n’avait fait qu’attiser la curiosité de ceux qui ne l’avaient pas encore lu, ces messieurs de la Censure ont subitement interdit la sortie en salle de Persépolis, un film d’animation inoffensif, récompensé par de nombreux prix internationaux, qui raconte la société iranienne à travers les yeux d’une petite fille, ainsi que la diffusion d’un documentaire bouleversant de Johnny Karlitch sur les Libanais emprisonnés dans les geôles syriennes. Où est donc la liberté d’expression inscrite dans notre Constitution, cette Constitution devenue si élastique qu’elle a fini par perdre toute consistance?? Est-ce pour plaire aux zélés serviteurs de l’Iran ou à ceux de la Syrie – en général, ce sont les mêmes – que les Pinard des temps modernes nous menacent de leurs ciseaux?? Qui a octroyé aux fanatiques le droit de régenter nos goûts artistiques, voire le destin d’un pays tout entier?? L’attitude exemplaire du gouvernement vis-à-vis de l’affaire Persépolis, qui a contraint la Sûreté générale à faire marche arrière, est venue leur rappeler que Beyrouth n’est pas Téhéran, et que le fameux slogan de Mai 68 «?Il est interdit d’interdire?!?» a encore cours, Dieu merci, au pays du Cèdre.
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