L’intolérance (ou devrais-je écrire l’« intolerence » pour être en phase avec ce malencontreux billet de banque émis à l’occasion de la célébration du 70e anniversaire de « l’independence » du Liban ?) est de retour. On la croyait éradiquée en Occident après la Seconde Guerre mondiale où elle s’était manifestée sous sa forme la plus abjecte, ou après la victoire du Mouvement des droits civiques aux États-Unis ; au Liban, on la croyait oubliée après une guerre de quinze ans qui a foulé aux pieds le Pacte national… Chassez le naturel, il revient au galop ! L’intolérance est revenue miner les esprits : en France, le Front national reprend du poil de la bête ; Mme Taubira est traitée de tous les noms – propos honteux qui nous ramènent à l’ère du KKK... Au Liban, l’extrémisme est redevenu la règle : la guerre entre sunnites et chiites fait rage, attisée par le chaudron syrien ; des islamistes sans foi ni loi multiplient provocations et attentats ; le Hezbollah revendique un Liban « résistant », iranisé, façonné à son image, sans tenir compte de l’opinion des autres communautés dont il est censé être le partenaire ; à l’USJ, des étudiants s’étripent comme des hooligans à cause de leurs opinions politiques ; devant le siège des Douanes, des journalistes se font tabasser au nom de la liberté d’expression…  Cette situation grave est annonciatrice d’une nouvelle guerre civile. À la moindre étincelle, l’explosion est à craindre. Face à ce danger réel, pour désamorcer la crise et déminer les conflits à venir, il nous faut instaurer au plus vite un dialogue national fécond, loin des logorrhées et des slogans habituels, dénoncer tous les dérapages, faire une trêve dans la guerre médiatique que se livrent les frères ennemis, faire régner l’ordre et la justice dans les zones turbulentes en châtiant sévèrement les fauteurs de troubles, chasser les éléments perturbateurs qui polluent nos universités, resserrer les rangs pour faire face aux complots intérieurs et extérieurs… « N'ayez d'intolérance que vis-à-vis de l'intolérance », nous conseille Hippolyte Taine. Le salut du pays en dépend.