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Enquête

Un partenariat entre une maison d’édition locale et des établissements français permet d’améliorer l’accès des enfants libanais aux œuvres éditées dans l’Hexagone.

Par Mahmoud Harb
2011 - 01
Comment permettre aux plus grand nombre d’enfants libanais francophones d’avoir accès aux livres récemment parus en France?? La question relève quelque peu de la quadrature du cercle, car avec les grands écarts de salaire entre la France et le Liban et aux cours actuels de l’euro, le livre de jeunesse édité dans l’Hexagone est souvent hors de prix pour la majorité des familles libanaises appartenant à la classe moyenne. La plupart des maisons d’édition locales spécialisées dans les livres francophones de jeunesse préfèrent donc esquiver tout simplement la question et se contentent de publier et de republier les mêmes textes français tombés depuis belle lurette dans le domaine public. Non contente de marcher dans l’ornière, la maison d’édition Hatem a trouvé une solution simple mais non moins ingénieuse à ce problème qui prive les enfants libanais des nouveautés proposées à leurs congénères européens?: la coédition.

L’aventure de l’établissement dans la coédition a débuté lors de l’élaboration des nouveaux programmes scolaires officiels libanais dans lesquels le ministère de l’Éducation nationale a imposé la lecture de certaines œuvres francophones, explique Thérèse Doueihy-Hatem, professeur de littérature française à l’Université libanaise et responsable des éditions Hatem. Spécialisée depuis sa création au début des années 1990 dans l’édition des œuvres d’auteurs libanais d’expression française, la maison se tourne alors vers des établissements français pour obtenir le droit d’éditer au Liban même, via des accords de coédition, certains ouvrages exigés par les programmes scolaires. Ce schéma consiste pour l’établissement à établir avec des maisons d’édition françaises un partenariat en vertu duquel la partie libanaise est autorisée, moyennant finance, à produire localement certains livres édités par la partie française. Même si des droits sont bien entendu reversés aux maisons françaises, ces opérations de coédition permettent de réduire sensiblement les prix des livres qui passent, dans certains cas, de plus d’une vingtaine d’euros pour l’édition française à une dizaine de milliers de livres pour la version produite au Liban et qui n’a rien à envier en termes de qualité au livre fabriqué en France.

«?Cette forme de collaboration triangulaire est parfaitement en harmonie avec la diversité du monde francophone?», souligne à cet égard Hélène Bonis, fondatrice des éditions du Sablier liés à la maison Hatem par des accords de coéditions. «?Il s’agit d’un moyen efficace d’améliorer l’accès des jeunes lecteurs aux livres de qualité?», ajoute-t-elle. En effet, la question de qualité se trouve au cœur même du système de la coédition. Il s’agit d’ailleurs de l’une des principales raisons pour lesquelles les maisons françaises acceptent que des œuvres figurant sur leurs catalogues soient rééditées par un établissement libanais. Autrement dit, la coédition permet d’une certaine façon d’améliorer la qualité de l’ouvrage. Même si le contenu du livre est intouchable et protégé par clause contractuelle, l’apport de la partie libanaise ne consiste pas seulement à reproduire simplement l’ouvrage. La maison Hatem réadapte le format du livre et y ajoute, sous forme de suppléments, études, jeux et fiches de lecture rédigés par des spécialistes et spécialement adaptés aux élèves libanais. Cette adaptation des ouvrages au contexte local via l’introduction de suppléments rend la lecture autrement plus enrichissante pour les jeunes lecteurs libanais qui retrouvent alors dans les annexes de l’œuvre des informations, des signaux, des termes, des images issues de leur propre environnement.

Le public libanais a très bien accueilli ce système innovant porté par un souci de qualité. La maison Hatem se trouve aujourd’hui liée par des accords de coédition à plusieurs grandes enseignes françaises comme Plon, Grasset, Fayard, Folio Junior, Flammarion, Stock Gallimard, Pocket Jeunesse, Le Sablier, le Ricochet et Albin-Michel. Le catalogue de l’établissement compte plus d’une vingtaine d’ouvrages publiés en coédition et d’autres nouvelles œuvres viendront s’y ajouter bientôt. La maison a même commencé à exporter des ouvrages produits en coédition, notamment vers le Maroc. Cependant, ce processus demeure compliqué du fait des restrictions imposées par les contrats signés avec les maisons d’édition française.

 
 
 
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