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Essai
Considérations socio-économiques sur le malheur arabe


Par Valérie Azhari
2018 - 01


L’épineux problème des Arabes est le sujet sur lequel s’est penché Bachir el-Khoury dans son essai Monde arabe : les racines du mal, paru aux éditions L’Orient des Livres/Actes Sud/Sindbad. Dans un style limpide et concis, l’auteur réfléchit sur les maux qui pèsent sur la région en tentant d’en comprendre les origines. 

Alors que les analystes s’accordent à dire que la question d’Orient est la cause de l’instabilité permanente au Moyen-Orient, et que d’autres imputent aux crises arabes leurs régimes politiques, l’auteur propose une approche inédite. La cause de tous nos malheurs est la convergence entre plusieurs facteurs socioéconomiques. En s’appuyant sur les statistiques de la démographie, de la croissance, du chômage et du développement humain, Bachir el-Khoury pose le diagnostic du « mal arabe » et propose le(s) remède(s) à cette situation.

Divisé en cinq parties structurées, Monde arabe : les racines du mal, analyse en profondeur et tout en rigueur les causes du Printemps arabe. L’auteur démontre que la naissance de mouvements extrémistes tels que Daech trouve son origine dans des causes socioéconomiques. 

On apprend aussi que le « mal arabe » tire ses racines dans le sous-développement et que celui-ci est lié à la fois à des systèmes de gouvernance défaillants, à une surpopulation, à un chômage très élevé, à une dépendance accrue vis-à-vis de l’Occident et à une corruption explosive. Ces facteurs entraînent un déficit public et une montée de l’appauvrissement de la population. Malgré des différences de vitesses dans le développement, l’auteur propose la création d’un bloc économique grâce à une prise de conscience collective. 

L’on comprend que dans le monde arabe, il y a les pays rentiers qui se sont appuyés sur leurs richesses sans se diversifier et les pays non rentiers qui vivent du tourisme, des services et sont tributaires du patronage des autres pays. Malgré cela, les pays accusent un taux de chômage des plus élevés au monde. Pour remédier à ces problèmes, l’auteur propose entre autres de diversifier l’économie.

Après avoir introduit la notion d’« hiver économique », « passage obligé dans la succession des saisons », l’auteur annonce que le « vrai printemps succédera à la période actuelle » après la prise de conscience et le changement (local, régional, international…). Ainsi, la résurrection du printemps arabe passera nécessairement par un printemps arabe socioéconomique même si « peu d’éléments laissent désormais entrevoir un avenir meilleur pour la région (…) ». Reste à savoir si les Arabes pourront prendre conscience de l’urgence, que ce soit du côté des gouvernants ou des gouvernés. Question de maturité !

Si l’auteur propose plusieurs plans de développement pour résorber le « mal arabe », l’on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les gouvernants n’ont jamais tenté d’y remédier. L’auteur avoue toutefois que le « mal arabe » ne peut se réduire à des facteurs socioéconomiques et que son remède passe par un changement radical global. Même si le « vrai printemps arabe sera d’abord socioéconomique », il faut revoir tous les systèmes politiques et réformer la société. 

Si, dans l’ensemble, la démonstration est convaincante, ne faut-il pas considérer les questions identitaires et de mentalités ? Sans oublier le complexe de la Sublime porte ! Certes, les facteurs socioéconomiques sont des causes profondes du retard des Arabes mais qu’en est-il du rôle de la religion en tant qu’idéologie ? L’imbrication entre projet politique et religion n’est-elle pas responsable du retard pris par rapport à l’Occident ? Se peut-il que la prospérité économique et le développement puissent résorber, à eux seuls, le « mal arabe » ?

Le regretté Samir Kassir considérait déjà que le « malheur arabe » était causé par le sous-développement, mais également une souffrance due « au manque cruel dans tous les registres en même temps ».

Il n’empêche que cet ouvrage, très intéressant et sans détour, a le mérite d’élargir le champ de l’étude. Il ouvre à nouveau le débat et permet au lecteur d’entrevoir le « mal arabe » sous un nouvel angle. 

 
BIBLIOGRAPHIE
Monde arabe : les racines du mal de Bachir el-Khoury, L’Orient des Livres/Actes Sud, 2017, 250 p.
 
 
 
 
2020-04 / NUMÉRO 166