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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai



Par Samir Frangié
2016 - 09

Les yézidis en Irak?: mémoire, identité et génocide est un ouvrage consacré à la défense d’une minorité qui a fait l’objet dans son histoire de persécutions incessantes, la dernière en date étant le fait de l’Organisation de l’État islamique (Daech) qui a occupé, le 3 août 2014, la ville de Sinjar, dans le nord de l’Irak, jetant des centaines de milliers de personnes sur les routes. Les hommes ont été systématiquement massacrés et les femmes violées, avant d’être vendues sur des marchés comme esclaves sexuelles.

L’auteur, Saad Salloum, est un militant de la société civile qui se bat contre la culture de l’exclusion dont sont victimes les minorités irakiennes et qui «?transforme l’Irak, berceau des religions abrahamiques, en une monoculture sans couleur, ni saveur?». Co-fondateur du Conseil irakien pour le dialogue interreligieux, il publie une revue, Massarat, qui a consacré plusieurs numéros à la défense des minorités irakiennes, des mandéens aux chrétiens, en passant par les yézidis et les juifs.

Considérés depuis le XIe siècle comme des adorateurs de Satan, les yézidis sont un groupe religieux dont les principes sont inspirés par les trois grandes religions monothéistes. Le problème, comme l’explique Ray Jabre Mouawad, historienne et chercheuse à l’USJ, est que leur religion a longtemps été basée sur des traditions orales. Ils n’ont eu que tardivement – fin XIXe siècle – des livres sacrés où leurs croyances furent consignées. Ils ont de ce fait été exclus par les musulmans de la catégorie des gens du Livre qui a conféré aux juifs et aux chrétiens un statut légal. 

Saad Salloum s’emploie dans son ouvrage à faire connaître les yézidis pour dissiper les légendes et les mythes les concernant. Il explique dans un premier chapitre d’où vient leur appellation, parle de leur poids démographique aussi bien en Irak que dans les pays d’émigration, de leurs livres sacrés, de leur mythologie…

Il aborde ensuite les accusations dont ils font l’objet depuis très longtemps, procède à une analyse détaillée des différentes composantes de leur identité et passe en revue les politiques menées à leur égard par les différents États qui se sont succédé jusqu’à nos jours, rappelant les persécutions dont ils ont été victimes depuis l’Empire ottoman jusqu’à la politique d’arabisation forcée menée par le régime de Saddam Hussein.

Ce livre qui met en relief l’importance de la diversité est un plaidoyer pour un Irak pluriel dans une région dévastée par les «?identités meurtrières?». Les hommes politiques, affirme Saad Salloum, ne s’intéressent à la question des minorités que dans la mesure où ils peuvent l’utiliser dans leurs luttes pour le pouvoir. Les partis chiites, majoritaires au parlement, perçoivent les minorités comme un obstacle à l’établissement d’un État islamique. Les sunnites, eux, ne pensent qu’à récupérer le pouvoir perdu en 2003.

Il devient donc vital, note Saad Salloum, pour l’avenir de l’Irak, de prendre en compte l’exceptionnelle diversité qui caractérise sa société et d’éviter ainsi de se retrouver dans une situation de guerre civile permanente dans une région marquée par une violence sans précédent dans son histoire moderne.


 
 
© Youssef Boudlal, Reuter
 
BIBLIOGRAPHIE
Les Yézidis en Irak : Mémoire, identité et génocide de Saad Salloum, éditions CEI, Bagdad, 2016.
 
2020-04 / NUMÉRO 166