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Essai

Dans son dernier ouvrage, Christophe Dickès analyse les pontificats de «?12 papes qui ont bouleversé le monde ».

Par Lamia el-Saad
2016 - 02
Selon l’auteur, la grandeur pontificale réside dans «?la résistance des papes aux attaques extérieures, leur capacité à réformer l’Église et la spiritualité contemplative ». En référence aux 12 apôtres, il choisit 12 papes et les répartit en quatre catégories?: les fondateurs, les rois, les spirituels et les universels. 

Les fondateurs sont ceux qui opposèrent le principe de l’unité aux divisions. Avant de prendre le titre de «?vicaire du Christ », les papes utilisèrent celui de «?vicaire de Pierre ». Il existe ainsi une «?filiation directe entre l’apôtre et chacun des élus »?; ils ne se succèdent pas l’un à l’autre mais sont tous appelés «?successeurs de Pierre ».

Le choix de Rome est décisif au sens où l’Église devient occidentale et latine et non plus seulement orientale. Apparu au sein du judaïsme, le christianisme s’est développé dans la culture hellénistique et latine. «?La romanité s’est christianisée?; le christianisme s’est romanisé.?» Or, l’Empire romain d’Occident fut menacé, dès le Ve siècle, par les invasions barbares. Derniers remparts de la population romaine, les papes Léon le Grand et Grégoire le Grand (les seuls à porter ce titre) négocièrent directement, l’un avec Attila en 452, l’autre avec les Lombards en 595.

Après les fondateurs, les rois. Grégoire VII excommunia l’empereur du Saint Empire romain germanique mais finit par lui accorder son pardon après l’humiliation de Canossa. «?Les princes ne sont désormais plus intouchables.?» Toutefois, la monarchie pontificale des temps médiévaux connut son apogée lors du règne d’Innocent III. «?Jamais ses prédécesseurs n’avaient atteint une telle puissance politique, tout comme ses successeurs ne sauront le surpasser.?» Sur le plan interne, le Concile de Latran IV constitua «?l’apogée du pontificat de cette volonté réformatrice ».
Le XIVe siècle fut un siècle de crise pour la papauté. Si bien que les rôles s’inversèrent avec Boniface VIII?; ce furent désormais les papes qui recherchèrent le soutien des rois. Quant à Jules II, «?il ne se soucia jamais d’être haï, à condition d’être craint et respecté ». Ce pape casqué qui menait lui-même son armée fut le protecteur de Raphaël et Michel-Ange. Ayant trouvé une ville en briques, il en fit une ville de marbre?: «?une nouvelle Rome impériale ».

Le vieux rêve monarchique pontifical ayant fait son temps, il y eut des papes spirituels. Saint Pie V qui présida le Concile de Trente et dont le nom est associé à la pratique du rosaire… et Saint Pie X qui fut le «?pape de l’Eucharistie et du catéchisme, de la réforme liturgique et du chant, de la réforme des séminaires et de l’enseignement ». 

Aux XIXe et XXe siècles, l’Église devint véritablement ce qu’elle avait toujours aspiré à être?: universelle. En signant les accords du Latran avec Mussolini, Pie XI se retrouva à la tête du plus petit État du monde, mais un État indépendant sur lequel l’Italie n’a «?aucun droit d’ingérence ». Le pape ne possède que le territoire matériel indispensable à l’exercice d’un pouvoir spirituel?; cet État est perçu comme «?un moyen et non une fin en soi ». Le concordat qui s’ajoute à ce traité réaffirme que la religion catholique, apostolique et romaine est la seule religion d’État. Pape de l’entre-deux-guerres, ce pasteur entouré de loups condamna le fascisme, le nazisme et le communisme dans ses encycliques de 1931 et 1937. Il fut «?une sorte de conscience morale de l’humanité, un défenseur de la dignité des hommes face à toutes les formes d’oppression ».

Le très court pontificat de Saint Jean XXIII (5 ans) fut lourd de conséquences puisqu’il vit l’ouverture du Concile Vatican II.

Infatigable défenseur des droits de l’homme et pèlerin de l’unité de l’Église, «?l’homme de l’Est (…) par ses voyages, sa diplomatie et l’utilisation des moyens de communication modernes (…) a fait de son règne le moment le plus universel de l’histoire de la papauté ». Le pontificat de Saint Jean-Paul II fut l’un des plus longs et des mieux remplis.

S’il a le mérite d’être clair, ce cloisonnement par catégories n’est pas exclusif. L’auteur le souligne et traite tous les aspects de chaque pontificat. Citons, par exemple, le fait que nous devons la doctrine de l’Incarnation du Christ «?vrai Dieu et vrai homme?» à Saint Léon le Grand, ainsi qu’une partie du rituel de la messe à Saint Grégoire le Grand.

Martyrs, Saints, fondateurs, réformateurs, souverains et arbitres de l’Europe, prisonniers au Vatican, spirituels, pasteurs, universels… les papes furent tout cela. À travers leur histoire, Dickès nous relate celle des moments clés de l’évolution du christianisme.



À signaler : L’ouvrage philosophique de Naji M.Kozaily : Le Liban-message de Jean-Paul II : phénoménologies d’une Nation-Christ (2015) et, du même auteur, un recueil de méditations poétiques inspirées par la pensée de Benoît XVI : L’Anneau du pêcheur.
 
 
 
BIBLIOGRAPHIE
Ces 12 papes qui ont bouleversé le monde de Christophe Dickès, Tallandier, 2015, 280 p.
 
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