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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
Au cœur de la banlieue sud


Par Jabbour DOUAIHY
2006 - 11


Qu’appelle-t-on dahiya (banlieue) de Beyrouth aujourd’hui ? Ce terme administratif censé désigner toutes les agglomérations, petites localités d’autrefois, qui entourent la capitale en demi-cercle, de Dora à Ouzaï, ne s’applique plus, en fait, qu’à la banlieue sud et, plus précisément encore, à une partie de cette banlieue tombée progressivement sous la coupe du parti de Dieu. Un carré qui répond aux critères du ghetto chiite khomeyniste acquis de haute lutte non seulement contre la présence chrétienne (40 % de la population de la banlieue sud jusqu’en 1975), mais aussi contre la milice du mouvement Amal repliée sur le quartier de Chiyah et autres zones périphériques après de véritables batailles rangées fratricides qu’on voudrait bien oublier aujourd’hui.

C’est à une visite à ce « carré » sur lequel s’est acharnée l’été dernier l’aviation israélienne que nous a conviés un an plus tôt Fadi Tawfik dans un petit recueil d’articles, de documents et surtout de témoignages. Nous avons effectivement besoin d’un guide pour nous aventurer dans cette portion de la capitale où les rares « étrangers » en visite sont filtrés, suivis, appelés à décliner leur identité ou à l’afficher sur la vitre avant de leur voiture. C’est l’autarcie ou presque : construction et travaux publics à la charge de ‘Amil, coopératives de produits de consommation, crédits immobiliers, écoles al-Mehdi, organisations médiatiques et culturelles, organisme du blessé et du martyr, hôpitaux... beaucoup d’argent, beaucoup d’armes et les « fidèles » d’Allah et de son parti entre eux.

Tawfik retrace la ghettoïsation progressive et tenace de cette banlieue au gré des développements politiques locaux et régionaux (le jeu d’influence syro-iranien) et nous livre le témoignage d’un habitant du fameux « carré sécuritaire », celui de l’ancien député et notable chiite Mahmoud Ammar (nostalgie d’une banlieue sud mixte, ouverte et plutôt bucolique) et le récit quasi kafkaïen d’un communiste chrétien qui préfère fuir Dora pour rejoindre ses camarades du parti au quartier Madi, lequel quartier devient peu à peu chiite pratiquant puis hezbollahi... Ses deux garçons chrétiens suivent l’enseignement religieux à l’école et, pour ne pas se faire pointer du doigt, s’affilient au Hezb...

À lire avec attention surtout après la dernière guerre d’août pour mieux voir comment va se reconstituer le ghetto dans l’étroit pays d’Allah...


 
 
© Alexandre Medawar
 
BIBLIOGRAPHIE
L’Étroit Pays d’Allah de Fadi Tawfik, (en arabe), Éditions al-Jadid, Beyrouth, 2005, 171 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166