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Essai
Les relations franco-arabes au microscope
La Ve République a connu sept présidents. Ses relations avec le monde arabe ont d’abord été soit inexistantes soit exécrables.

Par Lamia el-Saad
2015 - 01
Journaliste chargé des questions arabes à l’AFP, en poste à Beyrouth, à Amman, au Caire et à Rabat, Ignace Dalle s’est penché sur l’évolution de ces relations ; des relations qui ont certes varié en fonction des présidents mais qui ont toutes suivi une même ligne directrice.

Primus inter pares, Charles de Gaulle entreprit, après le règlement du conflit algérien, de renouer progressivement avec le monde arabe des liens rompus ou distendus. Et cela était d’autant plus nécessaire que les Arabes reprochaient à la France coloniale d’entretenir « les meilleures relations avec l’ennemi sioniste dont elle était le principal fournisseur d’armes ». Il mit donc un terme à la « connivence structurelle »liant la France à Israël, pays avec lequel elle devait avoir désormais « des relations amicales mais normales » et réussit à redonner à son pays « une place inespérée dans l’espace arabe ».

Mais il faudra attendre l’arrivée au pouvoir de Georges Pompidou pour que « la politique d’amitié et de coopération » voulue par son prédécesseur avec les peuples arabes se renforce. De fait, Pompidou et Giscard ont assuré « avec intelligence la continuité et le développement de la politique gaullienne ». 

Si l’auteur consacre plusieurs chapitres à des pays triés sur le volet (l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Liban), le problème israélo-palestinien occupe bien entendu une place centrale dans les relations franco-arabes. 

Comme si la « trahison » de Sadate vis-à-vis de « ses frères » palestiniens avait stimulé Giscard, il « multiplie durant les trois dernières années de son mandat les initiatives en faveur des Palestiniens ». 

Avec Mitterrand, le droit des Palestiniens était « hypothéqué par l’invocation constante du droit d’Israël à exister ». Il aura beaucoup fait pour tenter de résoudre cet « impossible dilemme » et finira par défendre une politique assez proche de celle de ses prédécesseurs. Son action en faveur de l’OLP et d’Arafat est même « décisive ».

Chirac estimait que la politique arabe de la France devait revêtir une « dimension essentielle ». Ses deux présidences furent marquées par quelques coups d’éclat comme, par exemple, son coup de gueule à Jérusalem. Il laissera un « bon souvenir dans le monde arabe, à l’exception de la Syrie dont il a ignoré le chef après l’assassinat de son ami Rafiq Hariri ».

Sarkozy n’a « pas grand-chose à faire valoir ». Exprimant une « compassion sans réserve » et exclusive pour les victimes israéliennes ; considérant que « la sécurité d’Israël ne se discute pas » et que « rien ne justifie l’utilisation de la violence par les Palestiniens », il finira par se montrer « plus nuancé » et restera finalement fidèle à la politique traditionnelle de son pays. Mais sa politique ne grandira pas la France ; en effet, si Sarkozy n’est pas un « militant antipalestinien », il est bel et bien un « militant proaméricain ».

La « complaisance » de Hollande envers le gouvernement Netanyahou lors des derniers affrontements entre Israël et le Hamas n’a pas amélioré l’image de la France dans le monde arabe. Elle a même heurté de nombreux Français qui ne comprennent pas comment la France et l’Europe peuvent continuer à « fermer les yeux sur une politique qui viole constamment la légalité internationale ».
C’est bien Chirac, qualifié de « gaulliste wilsonien », qui inscrit le mieux sa politique de grandeur dans le cadre onusien ; « exaltant la primauté du droit international ». Son opposition « frontale » à George W. Bush lors de l’invasion de l’Irak est évidemment bien perçue par l’opinion publique arabe.

Toutefois, lorsqu’il s’agit d’obtenir le respect des résolutions des Nations Unies et la fin des politiques déclarées illégales par la Cour internationale de justice de La Haye (que sont la construction du mur de séparation et la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est), force est de constater « l’impuissance de l’Union européenne face à Israël ».

Critique objectif, Dalle précise qu’en dépit du facteur économique et notamment pétrolier, les ambitions de la France ne sont pas « seulement mercantiles » mais révèlent une « diplomatie brouillonne et inopérante confrontée à une réalité beaucoup plus complexe qu’elle n’imagine ». Et d’autant plus complexe que la donne a changé avec l’apparition de « l’islamisme radical ».

Un ouvrage percutant qui passe au crible les événements qui ont modifié le cours de l’Histoire et marqué les esprits en France et dans le monde arabe.


 
 
D.R.
De Gaulle a mis un terme à la « connivence structurelle » avec Israël
 
BIBLIOGRAPHIE
La Ve République et le monde arabe de Ignace Dalle, Fayard, 2014, 528 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166