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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Essai
L’Odyssée du vin


Par Édgar Davidian
2014 - 11
Ce n’est pas un œnologue qui disserte sur le vin. Et pourtant cela en a tout l’air. Évoquer le tanin, le velouté, la fragrance, l’aqueux, le millésime, le racé, le frelaté, l’éventé, le bourru, le boisé, l’acerbe, le fumé du vin est une terminologie bien pointilleuse et un vocabulaire d’amateur éclairé. Pour en parler avec tant de professionnalisme, de verve et de jubilation, c’est qu’il faut avoir le bon flair : celui de l’imparable connaisseur.

Et qui dit amour du vin dit littérature : deux passions enivrantes et parfaitement conciliables. C’est le mariage heureux et fertile de la coupe et de la plume, de la lyre et du goulot de bouteille ! Et c’est Victor Hachem, un homme de lettres, ancien enseignant de la littérature française dans plusieurs établissements au Liban, qui en donne la démonstration. 

Des deux, c'est-à-dire du vin et de la littérature, il en parle avec volupté et érudition. Sans oublier son rôle de passeur de connaissances aux lecteurs tout comme il avait dû le faire, en bon pédagogue, avec ses élèves.
Plongée par conséquent dans un verre de vin depuis les temps les plus reculés jusqu’aux ivresses littéraires et éblouissements baudelairiens ou ceux, d’une décapante sensualité, de Abou el-Naouas. Affinités littéraires françaises et arabes, chapelet impressionnant de noms, autour d’une boisson désignée, sans sourciller, de « fils du soleil » par l’auteur des Fleurs du Mal. Soleil des mondes enchantés et différents dont le vin a les clés. Secrètes ou révélées !

Breuvage des dieux – recommandé par les dieux – et surtout pour les hommes de toutes conditions. Le vin qui coule à flots en ces pages bourrées de citations patiemment chassées, choisies, sélectionnées, est ici analyse fine, rapport historique méticuleux, absolue compilation et source d’inspiration.

Inspiration pour un livre à la fois savant, divertissant et instructif, truffé de phrases ou de poèmes louant, glorifiant ou vouant aux gémonies ces grappes de raisins qui se transforment en ce liquide rouge, rosé ou d’un blanc opalescent. Aux ivresses passagères ou tenaces, légères ou lourdes. « Avoir un verre de vin dans le nez » pour reprendre l’expression consacrée n’est pas forcément une chose méprisable. Au contraire cela peut éclaircir l’esprit et ouvrir des horizons. Et c’est Louis Pasteur qui déclare : « Il y a davantage de philosophie et de sagesse dans une bouteille de vin que dans tous les livres ». Avec la réserve que la consommation en soit modérée…
Un livre à la couverture bordeaux, rappel évident de la couleur du moût, inondé de formules de tous acabits. Aussi bien celles des poètes français et arabes que la langue usuelle dialectale libanaise. Avec ce plus de double culture en laissant les citations arabes (en plus de la traduction) dans la langue originelle. 

Et on nomme cet ouvrage richement documenté, fourmillant de détails, aussi bien historiques que culturels. En devanture des librairies donc, pour une plus ample connaissance accompagnant le pichet qui se déverse dans votre godet ou coupe : Le vin et l’ivresse dans les littératures arabe et française de Victor Hachem.

Par-delà la ronde des verres, une joyeuse tournée des mots mêlant dans sa quête et ses libations, l’amour (une dualité avec la boisson fermentée qui date depuis la nuit des temps !), la sensualité, le besoin d’évasion, les raffinements de la poésie, les arcanes de la fiction, les traits d’humour et d’humeur, les interdits sociaux, les désinhibitions, la liberté de vivre et de rêver. Et le plaisir de boire à la goulée ou dans un verre de cristal, en bande conviviale ou dans la solitude, en lurons braillards, en amoureux transis ou en poète mordu par la tourmente…

Virée du côté de l’origine du vin depuis le huitième millénaire en Mésopotamie pour percer le mystère de cette passion ardente entre l’homme, la vigne et ses fruits. Puis l’espace géographique s’étend en Égypte, Perse et Palestine sans oublier le juteux commerce phénicien enserrant dans ses amphores ce breuvage des tavernes et des palais. Et que la Gaule, la France du Moyen-âge et les Francs apprécieront opulemment. 

De la carafe à la dégustation, le vin, outre qu’il réjouit le cœur des hommes selon la Bible, est aussi un catalyseur pour le monde du parnasse et l’imaginaire des romanciers. De cette aventure, si les plaisirs s’envolent, les écrits restent. Et c’est dans cette optique de fourmillante richesse culturelle que cet ouvrage est captivant et demeure tout plaisir et ivresse.


Image : Les buveurs de vin dit Le poète Piron avec ses amis, toile de Jacques Autreau, ca. 1729- 1732, Musée du Louvre, Paris 


Victor Hachem au Salon
Signature le 1er novembre à 17h (Dergham)
 
 
« Il y a davantage de philosophie et de sagesse dans une bouteille de vin que dans tous les livres »
 
BIBLIOGRAPHIE
Le vin et l’ivresse dans les littératures arabe et française de Victor Hachem, avec des planches illustratives signées Frédéric Husseini, éditions Dergham, 2014, 255 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166