Un cri hystérique et fou que ce Tuez-les tous de Salim Bachi. Cri pour dénoncer cet inqualifiable carnage du 11 Septembre au pays de l’Oncle Sam à travers les états d’âme, tourmentes, obsessions et lucidité de la damnation éternelle, d’un terroriste qui prend le contrôle d’un avion et le précipite sur le World Trade Center. L’auteur de cet ouvrage est un jeune romancier algérien qui s’est déjà illustré avec ses deux précédents opus : Le chien d’Ulysse et La Kahéna, unanimement loués par le public, la presse et les jurys littéraires qui lui ont décerné (entre autres) la Bourse du Goncourt du Premier roman et le Prix Tropiques.

Pour ce troisième roman, tragédie poignante où s’affrontent les innocentes vies humaines et les pensées d’un tueur, à la fois déterminé et hagard, qui vit « la douleur d’être, de respirer, d’exister », tout le drame « hamlétien » des hésitations : ces fébriles moments où l’esprit et le corps vacillent. Rien à voir avec The Windows of the World, le roman étourdissant de Frédéric Beigbeder. Ici, une narration sombre, étouffante, d’un « moucheron qui ne comprend rien à l’œuvre de Son Créateur » et qui veut torde le cou à l’orgueil de l’Amérique. Les djinns du mal sont lâchés... Des terres arides de l’Afghanistan à Kandahar sont lâchés aussi les chevaux de l’Apocalypse pour donner la vie dans la mort ! Quelle présomption, quelle lugubre utopie ! Et dans cette trame conçue comme un grave et solennel requiem, il y a les paroles de Dieu. Terribles versets qui condamnent le mal comme un index tendu pour un châtiment de « sommeil sans repos ». « Celui qui a tué un homme qui lui-même n’a pas tué, ou qui n’a pas commis de violence sur la terre, est considéré comme s’il avait tué tous les hommes... »

Écrit dans un français somptueux et châtié, enchâssé dans des phrases à la fois élégantes et nerveuses, ce roman court, haletant et méditatif, à propos de l’ultime nuit et des derniers instants d’un terroriste, capte par sa beauté littéraire et par la force de sa pensée.