FEUILLETER UN AUTRE NUMÉRO
Mois
Année

2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
CHERCHER SUR LE SITE
 
ILS / ELLES
 
LIVRES
 
IMAGES
 
Au fil des jours...
 
Roman
Condamnés au silence !
Le crime était presque parfait. Ils ont tué, massacré, pillé, brûlé, détruit, anéanti… Jamais arrêtés, jamais jugés, jamais condamnés, ils ont été auréolés de gloire.

Par Lamia el-Saad
2014 - 11
Dans la grande salle de verre d’une maison de glace, siègent les juges de l’humanité. Devant eux comparaissent cinq chefs de guerre qui ont à « rougir du sang de la Terre » : Alexandre le Grand, Jules César, Gengis Khan, Francisco Pizarro et Napoléon Bonaparte. Les juges (en réalité, l’auteur) confrontent ces conquérants à leurs actions les plus noires. 

Si certains d’entre eux choisissent d’abord de se taire, ils renvoient tous l’humanité à ses propres torts ; inversent les rôles et font le procès de notre époque. La conscience tranquille, ils vivent leur présence devant ce tribunal comme une injustice et la perçoivent comme un scandale.

Tous, sans exception, se disent pacificateurs. Certes, ils ont pu souhaiter la paix… leur paix, à leurs conditions. Presque tous vont jusqu’à plaider la guerre défensive et préventive alors même qu’ils ont été bien au-delà de leurs frontières. Les accusés écartent leurs crimes d’un revers de main pour ne se souvenir que de la grandeur de leur empire et des bienfaits qu’ils ont légués à l’humanité.

Mais, à vrai dire, toute justification est superflue puisque trois d’entre eux s’affirment descendants des dieux et y voient une raison légitime pour dominer la Terre. Et d’ailleurs, lorsqu’ils se retrouvent entre chefs de guerre, ils n’ont rien de plus urgent que de comparer leurs stratégies militaires. Chassez le naturel…

L’écriture de l’auteur est d’une justesse telle que l’on reconnaît instinctivement, à son comportement, chaque conquérant ; tant l’image qu’il renvoie est conforme à l’image que l’on se fait de lui. L’on y reconnaît ainsi, sans surprise, un Alexandre bouffi d’orgueil ; un César qui exploite son talent de tribun pour assurer sa propre défense mais aussi, souvent, celle des autres ; un Gengis Khan un peu à part, taciturne et réservé, qui s’isole et peine à trouver sa place parmi eux ; un Bonaparte qui échange volontiers des clins d’œil et des sourires complices avec César.

L’on y reconnaît également le « froid sourire » de César, la « mèche hirsute » de Bonaparte, le « regard d’aigle » de Gengis Khan, la chevelure d’Alexandre.

L’on y reconnaît enfin des propos qui leur ressemblent, des phrases qu’ils auraient pu prononcer et qui n’auraient presque pu n’être prononcées que par eux. Ainsi, cette affirmation de Bonaparte : « il faut croire en son étoile pour la voir briller. » 
Nabil Cabbabé réussit ainsi à rendre l’invraisemblable étrangement crédible. C’est que… outre le fait d’être extrêmement bien écrite et ciselée par un travail d’orfèvre, cette œuvre de fiction est aussi bien documentée et aussi fiable qu’un livre d’histoire ; elle sert d’écrin, de contexte et de prétexte à une véritable œuvre d’historien.

Œuvre d’historien et œuvre utile puisque la question suivante apparaît en filigrane : un monde en paix est-il possible ? L’auteur soutient que le jour où nous cesserons de prendre en exemple des chefs de guerre qui avaient « le sang dans le sang », ces faux héros… nous pourrons alors aspirer véritablement à une terre pacifiée.



Nabil Cabbabé au Salon
 
Signature le 7 novembre à 17h (Antoine)
 
 
D.R.
Un monde en paix est-il possible ?
 
BIBLIOGRAPHIE
Le sang dans le sang ou le Tribunal de la Terre de Nabil Cabbabé, L’Harmattan, 2014, 240 p.
 
2020-04 / NUMÉRO 166