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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici
Traces


Par Amin Khan
2016 - 07

Né le 18 octobre 1956 à Alger, Amin Khan est un poète algérien d’expression française. Il étudie la philosophie, l’économie et les sciences politiques, à Alger, à Oxford et à Paris où il réside actuellement. C’est sous le nom d’Amin qu’il publie ses deux premiers ouvrages en 1980 et 1982. Auteur de plusieurs recueils de poésie, Amin Khan a reçu en 2012 le Prix Méditerranée Nikos Gatsos et le Prix François Coppée de l'Académie française pour Arabian blues (éditions MLD, 2012). 

 

Traces

 

(…) ne prends pas cet air malheureux

ne joue pas à l’hippocampe amoureux au minerai à l’oiseau

car il faut n’être ni minéral ni animal ni humain

il faut jeune homme être doué avoir le luxe

d’être quelque chose comme un assassin

un chien enragé par l’immensité de la tâche

être conscient du temps connaitre ses ennemis

mordre renoncer au plaisir au hasard

et à la bienveillance des cieux

 

il faut se débarrasser de tout ce qui gêne

et de soi en particulier

se mettre au service d’un ordre amoral

partager la pitance des chiens semblables à l’infini

 

(…) mais dis-moi connais-tu de l’intérieur le tourment 

as-tu cherché comme un fou Dieu entre deux répétitions 

as-tu dealé parfums enivrants contre amères vérités

as-tu trahi par choix as-tu vendu l’or des aïeux as-tu pleuré comme

un homme perdu près de la flaque de l’assassinat

as-tu retenu dans tes bras la chaleur la beauté le bien d’autrui

t’es-tu troué un passage de chair pour ton ressentiment

as-tu partagé de tes mains sales la haine de millions

(…) as-tu assez de douleur à répandre sur la terre

 

(…) ne crains pas d’être seul passant poussiéreux

va aux douches publiques

plonge-toi dans l’air humide et chaud de la confession générale

offre ta crasse et ton anxiété

peu importe ton ignorance c’est ta chance

aide-toi de pilules et de thé accroche-toi à un fil

au sein de la confusion n’oublie pas qui tu es

 

(…) ne crois pas l’apparence de la première vision venue

ne crois pas qu’il existe jeune homme

une chose comme la poésie

 

visite à l’occasion les jardins de l’enfer et du paradis

mais déguise-toi maquille-toi change ta voix

que les gardiens ne t’aient jamais vu passer par là

dissimule-toi lorsque tu dois vraiment boire et manger

sois ostensible dans le simulacre du temps

(…) la mort ne sera jamais là lorsque tu veux

les plus grands poètes sont tristes et vaniteux

jeune homme quoique tu fasses tu ne seras jamais mieux..

 

Poème extrait des Cahiers Jamel Eddine Bencheikh : savoir et imaginaire, L’Harmattan, 1998. 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166