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2020-04 / NUMÉRO 166   RÉAGISSEZ / ÉCRIVEZ-NOUS
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Poème d’ici



Par Fadhil al-Azzawi
2016 - 03

Né en 1940 à Kirkuk, basé depuis 1983 à Berlin, Fadhil al-Azzawi a joué un grand rôle dans l’innovation poétique irakienne des années 1960. Ce poète et romancier fonde en 1969 la revue d’avant-garde irakienne Shi’r 69 qui fut interdite dès la parution du quatrième numéro. Al-Azzawi quitte l’Irak et s’installe en 1977 en Allemagne où il regagne les bancs de l’université et décroche un doctorat. Son œuvre compte des romans (traduits en anglais et en allemand), des essais et une dizaine de recueils de poésie en arabe ainsi qu’un recueil écrit directement en allemand. Si ses poèmes ont été publiés dans diverses langues, Fadhil al-Azzawi a lui-même traduit plusieurs auteurs (tels que Robert Musil, Hans Magnus Enzensberger et Christian Morgenstern) de l’allemand et de l’anglais vers l’arabe. Il a longtemps travaillé en tant que journaliste indépendant pour divers journaux et magazines littéraires avant de se consacrer à l’écriture. Selon Abdul Kader el-Janabi, la poésie de Fadhil al-Azzawi « s’inscrit dans un registre fantastique et ne cesse de questionner la réalité arabe avec un lyrisme imagé et plein d’humour ».

 

Doigts

La répression se tient debout

Devant un arbre

Et tel un roi devant son peuple

Fait des signes de la main

À ses enfants

La répression va à l’histoire

Et lui rend ses faux billets

La répression pose sa main humide

Sur mon front

Et essuie mes larmes

Avec ses doigts. 

Le piège

Parfois traversant un fleuve

Nous nous voyons dans une autre époque

Parfois, fixant un miroir

Nous nous voyons dans la prison

Parfois harponnant une femme

Nous nous voyons dans l’exil

Parfois lisant des poèmes

Nous nous voyons dans la prose.

Savez-vous ce que nous devons faire ?

La porte

Une porte condamnée dans un champ abandonné

Des oiseaux blancs

Brillent sur une violette noire où le sang a coulé

-Quelles sortes de secrets peut garder une porte condamnée ?

-L’ouvrirai-je

L’enfant s’approche faisant fuir les oiseaux

-N’ouvre pas une porte condamnée

Peut-être venant du désert arabe

Vont surgir tes aïeux,

Une nuit éternelle,

Un soldat poignardé en plein cœur,

Ou encore un bourreau

Qui te tranchera la tête

Laisse cette porte de la nuit, mon enfant,

Laisse-la briller

Comme argent dans un champ abandonné,

Condamnée.

La cheminée

Une cheminée exhale de la fumée dans le vent

Parfois elle exhale des rêves,

De la tristesse

Elle exhale des traces d’hommes

Rapportant dans la chambre la parole des anciens

Elle exhale le silence d’une femme

Entre les bras d’un homme

Se rappelant la capitale de terreur

Érigée dans le désert

Elle exhale nos souvenirs

Cette cheminée nous exhale jour après jour

Dans la nuit d’un autre ciel

Dans le vent.

 

Traduits de l’arabe par

Abdul Kader el-Janabi et Mona Huerta 

 
 
D.R.
 
2020-04 / NUMÉRO 166