Pourquoi le poète emmène-t-il sa femme au McDonald’s ?
Par Jalal el-Hakmaoui
2015 - 08
Né en 1965 à Casablanca, Jalal el-Hakmaoui est poète, traducteur, critique de cinéma et journaliste indépendant. Agrégé de traduction littéraire – il a notamment traduit William Cliff, Lorand Gaspar, Edouard Glissant, Jean-Luc Wauthier, Eugène Savitzkaya ou encore Françoise Lalande –, il dirige la revue électronique de poésie : Électron Libre, dont chaque numéro, bilingue, est consacré à une poésie du monde. Il a publié divers recueils dont Certificat de célibat (Galgamesh, 1997) ; Allez un peu au cinéma (Toubkal, 2007) ; Ce que je n’ai pas dit à Al Pacino (maelstrOm, 2012, édition bilingue). Actuellement consultant pour la télévision 2M, el-Hakmaoui vit et travaille à Rabat.
Pourquoi le poète emmène-t-il sa femme au McDonald’s ?
Vaniteux tu croises les jambes
Les vagues prosternées à tes pieds
Comme un troupeau de chameaux sauvages
Tu manges pour la première fois de ta vie un hamburger américain.
(…) Ta femme a des éclats de rire tapageursÂ
Tout comme elle pleure bruyamment,
Ouvrant les plumes de ses jambes aux langues de l’air.
Tu voudrais la placer entre tes dents
Et la casser comme tu craquerais une noix pourrie
Ou la ranger dans la boîte d’allumettes vide sur la table.
Mais tu es un homme fidèle
Tu crois que ton mariage est l’aboutissement d’une love storyÂ
Que tu as épousé un cochon ayant le visage d’Al-Manfaluti et les pattes de Nazik Al-Mala’ika
Et que (de ce fait) tu te suicides quotidiennement
En ingurgitant 100 poèmes classiques.Â
(…)
Traduit de l’arabe par Ritta Baddoura
Les poètes du poème en prose & l’autre poupée
L’autre poupée
Le café bleu des Oudayyas
Les grammairiens lavent le cadavre de la prestigieuse langue arabe
Et couvrent d’un linceul blanc les Oulémas du prochain millénaire
Quand l’héroïne se réveillera-t-elle de son sommeil ancestral
Dans le lit de cette terre étrangère
Dont la forêt illumineÂ
L’œil du Voyant Marocain ?
Les poètes du poème en proseÂ
Jouent aux cartes avec la poupée en question
À la promenade de Hassan
Les poètes du poème en prose
Se battent aux couteaux & aux chaînes de motos
Pour la fameuse héroïne
Des blessés tombent les uns après les autres
Ounsi El-Hajj
Sargoun Boulos
El Maghout
Et Brahim le serveur au Bar de Tanger
Également
Quand les grammairiens payent
Ce qu’ils doivent
À qui a aidé le tremblement de terre
À qui a caché ce poème des tortionnaires à la botte de Sindbad
À qui a rêvé d’un enfant à la tête d’un centenaire
À qui a vu une armée de nains bouchant l’œil du soleil
L’autre poupée
Le Café Bleu des OudayyasÂ
Les poètes du poème en prose
Lavent la poétesse El Khansa’
& couvrent d’un linceul blanc son mari
Son frère
Son septième oncle
Puis
Dites-moi quand l’héroïne se réveillera de son sommeil ancestral ?
Traduit de l’arabe par l’auteurÂ