Par Hanadi Zarka
2014 - 01
Hanadi Zarka est née en 1974 en Syrie. Ses premiers poèmes paraissent dans le recueil À l’insu de tes mains (Maison de Kanaan, 2001). Depuis, d’autres recueils, tels que De trop (Damas capitale arabe de la culture, 2008) ont paru, et des poèmes ont été publiés dans divers magazines arabes et européens.
Électre
Tu as tué ton père?!
J’ai tué mon père.
Je l’ai longtemps porté,
Et l’ai vêtu de chaque homme que j’ai rencontré.
J’ai répandu pour lui mon encre
J’ai fait briller les calices de son absence
J’ai arraché son jour de ma nuit
Et j’ai erré et erré
(Idole de la mémoire qui ne vieillit pas)
Il m’a fallu tuer mon père
Il m’a fallu l’enterrer loin
De tous les matins où je regarde mon visage en face
Bien plus que j’en ai besoin
Des brosses à dents
Des cendriers
Des habits
Des hommes
Je possède beaucoup de choses
Bien plus que j’en ai besoin
Convaincue d’avoir plus que ce dont j’ai besoin
Comme d’un ongle long et facile à couper
J’ai peur d’en céder quoi que ce soit
Et qu’il manque quelque chose à ma solitude.
Ce que j’ai
Des femmes
Elles ont
Maisons
Époux
Enfants
Je n’ai ni maison
Ni époux
Ni enfant
J’ai les rêves de leurs portes
La joie de leurs enfants
Et les regards désespérés de leurs maris
Un nuage errant et des hommes solitaires
À chaque fois que son image est entière
Elle acquiert une nouvelle image.
Aucun hiver ne l’attend
Aucune terre
Les enfants courent derrière elle,
Et tissent autour d’elle des images
Que l’absence ne retient pas.
Elle sort d’un silence
Pour susciter le doute.
Elle est un nuage errant
Ni plus
Ni moins
Une illusion
Pour des hommes solitaires
Qu’emporte dans son vol un nuage errant.
Traduits de l’arabe par Ritta Baddoura